Aux origines de la rédaction du traité modificatif, dit Traité de Lisbonne
Le Groupe Amato : une initiative privée au chevet des institutions européennes

- Patrick Gatines / janvier 2009 -

 

Lien avec le site de l’ACED/Groupe Amato

 

A l’été 2006 se met en place très officieusement un curieux attelage qui se nomme lui-même Action Committee for European Democracy (ACED/Comité d’Action pour une Europe Démocratique, dont le site internet est hébergé par le Centre Robert Schuman), mandaté par qui, on ne sait trop et chargé de rédiger un « modèle de nouveau traité », titre de leur rapport final.
 D’après Jan Quatremer, dans un article publié dans Libération du 23 septembre 2006 et intitulé « Rome au chevet du malade », le président de la Commission José Manuel Barosso, en aurait connu l’existence par Danuta Hübner, sa commissaire chargée des aides régionales et ex représentante de la Pologne à la Convention, conviée à intégrer ce groupe de réflexion composé de 16 membres, 8 de droite et 8 de gauche, dont les deux ex Vice Présidents de la Convention, de membres de son praesidium et de la Convention, de commissaires européens, d’un représentant du Parlement Européen, le tout panaché de quelques actuels ou anciens ministres des Etats-membres de l’Union Européenne. Les fonctions multi –casquettes passées ou présentes de nombre d’entre eux assurant toute possibilité de réalisation du dit attelage.
Une composition dont on ironise à Bruxelles. Jan Quatremer rapporte : « Cela fait reconstitution de ligue dissoute. » ironise-t-on dans l’entourage de Barroso » ou encore : « Il ne manque plus que Valery Giscard D’Estaing et on refait la Convention » poursuit-on à la Commission. »

            Toujours est-il que ce staff non officiel de 16 personnalités se donne pour mission de fournir une mouture simplifiée du Traité Constitutionnel rejeté officiellement par référendum par la France et les Pays Bas et afin donc aussi que le projet d’Angela Merkel de sortir l’Europe de l’ornière du Traité Constitutionnel puisse se réaliser durant la présidence allemande.

Lien avec l’article intégral de Jean Quatremer

Mais qu’est-ce donc que l’ACED ?

Sur son site, l’ACED se présente lui-même ainsi : (Passages soulignés par mes soins)

« Le Comité d’Action pour la Démocratie Européenne est une initiative privée et indépendante de citoyens européens visant à sortir de l’impasse où se trouve l’Union Européenne après deux votes négatifs sur le Traité Constitutionnel.

Certains de ses membres ont occupé ou occupent encore de hautes fonctions. Les membres du groupe désirent contribuer à l’émergence d’un consensus sur des dispositions institutionnelles plus efficaces et légitimes, qui sont nécessaires pour l’Europe du 21ème siècle.
Le projet de l’ACED a été rendu possible grâce à une donation de la Robert Bosch Stiftung (Fondation Robert Bosch).
Le Centre Robert Schuman accueille les activités de l’ACED qui correspondent avec ses contributions de longue durée sur le débat concernant la réforme du Traité de l’Union Européenne. »
Traduction : Stéphane Gez

Remarques & analyses :

1) On apprend donc là que le processus de relance du Traité Constitutionnel Européen, rejeté par les citoyens de deux pays membres et fondateurs de l’Union Européenne, soit une institution multilatérale qui représente la puissance publique européenne et dans laquelle les citoyens des Etats membres élisent des députés et où leurs Chefs d’Etats et Ministres siègent dans ses institutions, et bien oui nous apprenons que c’est une initiative privée et non officielle, financée par des fonds privés, qui détient l’initiative de sortir les institutions européennes de l’ornière dans laquelle elles se trouvent.

2) On apprend également que le financeur de l’opération « sauvetage du TCE », et donc de l’ACED, est la Fondation Robert Bosch, à vocation philanthropique certes, mais fondation aussi d’un type un peu particulier (et ce n’est pas la seule) dans la mesure où après quelques recherches on s’aperçoit qu’elle est actionnaire à 92% de la Robert Bosch Gmbh, société Allemande non cotée en bourse et qui est le plus gros équipementier automobile mondial et emploie 251 000 employés pour un chiffre d’affaire de 42 milliards d’euros !
(Sources financières : sites de l’ACED (hébergé par le Centre Rodert Schuman for Advanced Studies) et de la Robert Bosch Foundation)

3) On découvre donc conjointement que cette fondation étant d’origine allemande et que la présidence allemande de l’Union (assurée par Angela Merkel) ayant pour mission officiellement de remettre en route le processus de ratification du traité, une préparation en amont à vraisemblablement  été effectuée à son initiative. En effet, si les travaux de l’ACED ont commencé en septembre 2006, pour se terminer le 4 juin 2007 (date de remise officielle du rapport de l’ACED, la présidence allemande de l’Union s’est effectuée durant le premier semestre 2007. Gouvernement allemand  dont Jan Quatremer dans son article (opus cit.) nous dit qu’ « elle était très impliquée dans cette initiative » (la mise en œuvre du Groupe Amato, ndlr). Ainsi la présidence allemande et Madame Merkel ont-elles pu s’honorer de cette mission : en élaborant une « initiative privée », financée par des fonds privés émanant d’une fondation allemande détenant 92% du capital du plus gros équipementier automobile mondial!
Où est la séparation des pouvoirs privés et publics dans le montage d’une telle stratégie de relance ?
On rappelle que le « but du jeu » était de donner un nouveau fonctionnement institutionnel à l’UE, et beaucoup plus, d’élaborer un traité qui de surcroît traite de nombre de questions économiques de première importance ; comme le TCE, dont il est pour l’essentiel un remontage.

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Ainsi financé par des fonds privés, le Comité d’Action pour une Europe Démocratique, groupe de 16 personnalités qui s’est réuni du 30 septembre 2006 au 4 juin 2007, était ainsi composé :