La Convention pour l’Europe sous influence
Patrick Gatines – août 2006 / mars 2008-

  

Suite au sommet de Nice (Novembre 2000), le Conseil européen a décidé d’engager une réflexion plus approfondie sur l’avenir de l’Union, c’est ainsi qu’il a adopté une déclaration, jointe au Traité (annexée au n° 23). Y étaient déterminées trois phases, dont l’une charnière fixée au Conseil européen de Laaken(décembre 2001) où il adopta la Déclaration sur l’avenir de l’Union européenne qui ouvrait la voie à une véritable Constitution.
Pour ce faire, il décidait de convoquer une Convention chargée d’organiser les travaux et de rédiger un  projet de traité instituant une constitution pour l’Europe qui a servi de base de travail à la Conférence intergouvernementale qui a finalisé le texte définitif.
La Convention s’est réunie de février 2002 à juillet 2003, sous la Présidence de Valéry Giscard d’Estaing, désigné par le Conseil Européen, tout comme les deux Vice-Présidents : Guiliano Amato et Jean Luc Dehaene, associés à neuf autres membres issus de la Convention, ce staff de 12 personnes formait le Praesidium dont le rôle de pilotage et d’orientation fût majeur dans l’élaboration du traité instituant une constitution pour l’Europe ; les institutions européennes définissaient ainsi sa mission :


« Le Praesidium a un rôle d'impulsion vis-à-vis de la Convention et doit lui fournir une base de travail.
Le Praesidium est composé du Président de la Convention, des Vice-Présidents et de neuf membres issus de la Convention : les représentants de chacun des gouvernements des pays qui exerceront la présidence de l'Union au cours de la Convention (l'Espagne, le Danemark et la Grèce), deux représentants des parlements nationaux, deux représentants du Parlement européen et les deux représentants de la Commission.
Le Praesidium se réunit régulièrement, normalement deux fois par mois : avant chaque session plénière de la Convention et une fois entre deux sessions.
Il joue un rôle particulier dans l'élaboration des projets d'ordre du jour pour les sessions plénières et dans la supervision des activités et de l'organisation du Forum.
M. Peterle, représentant du parlement slovène à la Convention, assiste aux réunions du Praesidium en tant qu'invité. Il a été désigné par les représentants des parlements des pays candidats à l'adhésion. »

Source : Site de la Convention pour l’Europe, qui est toujours activé - Passages soulignés par moi 

                                                                                                                                     .
Le Praesidium de  la Convention était donc sans conteste l’organe décisif dans le processus d’élaboration du Traité Constitutionnel Européen par la Convention. Il était donc primordial que le principe de séparation des pouvoirs, indispensable à toute Constitution y soit respecté. Cela était-il le cas ?  Voici ci-dessous détaillée la composition du Praesidium de la Convention Européenne (avec repérage transpolitique) :

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Valéry GISCARD d'ESTAING

Ex Président de la République Française (1974-1981)
Ministre des finances de 1962 à 1966 et de 1969 à 1974

VGE, c’est aussi une famille populaire,
le choix idéal pour une Europe sociale, pour rapprocher le peuple européen de la future constitution mais aussi pour engager
une saine séparation des pouvoirs économiques et politiques, propice à la sérénité et au désintéressement du sage, qu’on en juge :

Son fils, Henri Giscard d’Estaing est membre du directoire du Club Med World Holding et de Jet Tours.
Antoine Giscard d’Estaing : ex directeur financier de Suez et actuellement directeur exécutif de Schneider Electric
Geoffroy Giscard d’Estaing : Directeur de M&A international
Philippe Giscard d’Estaing : ex Président de Thomson International et administrateur actuel de European Institute (Puissant réseau d’influence porté sur les relations transatlantiques), il y siège aux côtés d’Etienne Davignon, Peter Sutherland, Bertrand Colomb, Robert Zoellick, Jacques Delors et Simone Veil
Edmond Giscard d’Estaing (son père) était président de la Société Tunnel du Mont Blanc, administrateur de Thomson-Brandt, Air France,
Carbonne Lorraine, Crédit Foncier et Immobilier et ancien Président du Comité France Amérique.
Olivier Giscard d’Estaing (son frère) a été vice président de la Jeune Chambre Internationale et administrateur d’IBM France.
Sa femme, Anne-Aymone de Brantès est l’arrière petite fille d’Eugène Schneider, le fondateur du groupe Schneider Electric.

Un milieu sociologique sans doute aussi pétri du souci de l’Europe Sociale…
Aurons–nous davantage de chance avec les autres membres de ce Praesidium ?

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M. Giuliano AMATO

 

M. Jean-Luc DEHAENE                                            

M. Alfonso DASTIS

Alfonso Dastis a été remplacé en court de mandat, suite à une mésentente de fond avec VGE par

M. Ana de PALACIO VALLELERSUNDI                   

M. Henning CHRISTOPHERSEN          

M. Georges PAPANDREOU

 M. John BRUTON

Mme Gisela STUART

M. Klaus HÄNSCH   

M. Íñigo MÉNDEZ DE VIGO

M. Michel BARNIER

M. António VITORINO

On notera par ailleurs que le secrétaire général de la Convention n’était autre que John KERR, membre du conseil d’administration du Transatlantic Policy Network.

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Sur un total de douze membres, le Praesidium de la Convention Européenne comptait  neuf membres appartenant à des réseaux d’influences et à des think tanks financés par les plus grandes firmes globales de la planète. Certains mêmes appartenant à plusieurs de ces réseaux :

1°) Six membres du directoire de Friends of Europe (FoE), soit la moitié des membres de la Convention ! C’étaient tout d’abord deux membres du Praesidium de FoE : Antonio Vitorino et Jean Luc Dehaene, celui – ci se retrouvant même vice président de la Convention, elle-même présidée par un éminent membre honoraire du très libéral groupe Kangourou (VGE).
Tous trois présidents désignés par le Conseil européen.
On remarquera qu’avec ceux-ci, auxquels il convient de rajouter comme autres  membres du Conseil d’administration de Friends of Europe : Giuliano Amato, Henning Christophersen, John Bruton et Michel Barnier, on obtient alors une présence massive de FoE dans toutes les catégories de responsabilité ou de représentation (sauf pour le parlement) :
 
Vice présidence (2/2),
Représentants des gouvernements (1/3)
Représentants des parlements nationaux (1/2)
Représentants de la commission européenne (2/2).

Au titre des règles élémentaires d’hospitalité, je ne tiens pas compte du membre invité : M. Alojz Peterle (membre aussi de Friends of Europe). Mais par contre je me dois de rappeler que le Président de Friends of Europe est le même que celui du Groupe de Bilderberg, à savoir : Etienne Davignon, celui là même qui présidait l’AUME, créée par Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt en 1987, et dont la mission consistait en la création de la monnaie unique européenne.

2°) Quatre membres du Transatlantic Policy Network (TPN) :

Les deux seuls représentants du Parlement européen au Praesidium de la Convention : Inigo Mendes de Vigo y Montojo (EPP-ED), et Klaus Hänsch (PSE), soit un représentant de la droite et un représentant de la gauche socialiste. Une parité de façade car on voit poindre là une caractéristique majeure des réseaux d’influence, celle qui consiste à réaliser une collusion aussi entre la Droite et la Gauche socialiste. Ainsi, fort de ses 70 euro députés, soit 9.5% des effectifs du parlement, le TPN représente ici  la totalité des représentants des eurodéputés !

Beaucoup mieux qu’à la Convention elle-même où la représentation du TPN s’élève « seulement » à 25% puisque sur les 16 eurodéputés qui y siègaient, 4 étaient au TPN, ce sont : Elmar Brok (par ailleurs administrateur de Friends of Europe), Alain Lamassoure (membre aussi du Kangaroo group), et bien sûr Inigo Mendes de Vigo y Montojo et Klaus Hänsch (représentants au Praesidim).

Enfin on relèvera la présence de deux membres du Conseil d’administration du TPN, l’une au titre de Représentant des gouvernements : Ana de Palacio Vallelersundi  et le Secrétaire Général de la Convention : John Kerr.

3°) Deux membres honoraires du Kangaroo Group (KGr) : Le Président de la Convention lui-même à savoir Valéry Giscard d’Estaing et la même Ana de Palacio (également membre du Council on Foreign Relations et de nombre d’autres réseaux, actuellement vice présidente de la Banque Mondiale).

4°) Deux gouverneurs de la Fondation Ditchley : Giuliano Amato (vice président de la Convention, et futur président du « Groupe Amato » qui a permis la relance du processus de ratification – voir sur ce site) et John Bruton (Représentant des parlements nationaux.

5°) Enfin, on fera remarquer qu’ Antonio Vitorino (représentant de la Commission européenne, également membre du Praesidium de FoE, est aussi Vice Président de L’European Policy Centre dont le Président n’est autre que Peter Sutherland, président du TPN (et accessoirement Président Europe de la Trilatéral Commission) et membre du Conseil d’Administration du Centre for European Reform … tout comme Antonio Vitorino !

   Une structure très collusive donc et très opérationnelle par la présence massive à des fonctions déterminantes de membres éminents de Friends of Europe et du Transatlantic Policy Network, et dans une moindre mesure par celle du Kangaroo Group et de la Ditchley Foundation.
Une structure aussi où plane l’ombre et la facture  de deux princes de l’influence en réseau, et ex Commissaires européens, à savoir Etienne Davignon (Président de FoE et du Groupe de Bilderberg, et président de Société Générale de Belgique et d’Union Minière, entre autres…) et Peter Sutherland (Président honoraire Europe du TPN et Président Europe de la Trilatéral Commission, mais aussi ex Directeur Général du Gatt puis de l’OMC et homme de cette transition aujourd’hui Président des Banques Goldman Sachs et de British Petroleum, entre autres…).


(Cf Fiches Global Leaders)

 

          Sur leurs sites, ils déclarent comme partenaires ou membres, c’est-à-dire dans ce dernier cas comme faisant partie intégrante de leur organisation:

Pour Friends of Europe, il s’agit de 42 firmes globales partenaires, dont : Exxon Mobil, Areva, British Petroleum, British Telecom,Cargill, Coca Cola, IBM, Intel, Microsoft, Pfizer, Shell, Sony, Toyota ou encore Unilever, tous « Amis de l’Europe ». Rappellons aussi que FoE bénéficie aussi du soutien financier de la Commission Européenne.
Pour le Transatlantic Policy Network, 40 firmes globales membres, dont : ABB, Accenture, Basf, Bayer, Boeing, British Petroleum, British Telecom, Coca Cola, Daimler Chrysler, Deutch Bank, Dow Chemical, General Electric, Honeywell, IBM, Merck, Michelin, Microsoft, Nestlé, Oracle, Pfizer, Roll Royce, Siemens, Teléfonica, Time Warner et encore Unilever ; tous aussi amis transatlantiques de l’Europe.
Pour le Kangaroo Group, 56 firmes globales membres, dont : Astrazeneca, Dupont, Merck, Novartis, Pfizer, Sonafi Avantis, Deutsche Bank, Goldman Sachs, Dassault, EADS, Eurocopter, Saab, Thales, Bouygues, BT, France Telecom, Microsoft, Time Warner, Vodafone, Mars Uk, Phillip Morris, Seita Group, Chanel, l’Oréal, Unilever, British Petroleum Europe, Michelin ; tous dans la poche du petit Kangourou Européen.

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     Toutes firmes soucieuses, on s’en doute, de financer des réseaux d’influence promoteurs d’une Europe sociale…
     Toute firmes aussi particulièrement satisfaites que l’article I-3.3 du Traité Constitutionnel Européen énonce comme objectifs de l’Union : le développement durable, l’économie sociale de marché (qui nous vont tout à fait) mais après avoir promulgué à l’article qui précède (I-3.2), « le principe d’un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ».
     Particulièrement satisfaites aussi que dans les quelques 433 articles qui suivent, le développement et l’économie ne soit qu’anecdotiquement durable ou sociale et pratiquement toujours de marché.
     Toutes firmes globales enfin particulièrement satisfaites pour leurs petites affaires et donc de l’article ci-dessous, honte de toute démocratie digne de ce nom :     

Art. III-248.2 : Recherche et développement technologique et espace

« Aux fins visées au paragraphe 1, (favoriser le développement de la compétitivité) elle (laConstitution) encourage dans l’ensemble de l’Union les entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises, les centres de recherche et les universités dans leurs efforts de recherche et de développement technologique de haute qualité. Elle soutient leurs efforts de coopération, en visant tout particulièrement à permettre aux chercheurs de coopérer librement au-delà des frontières et aux entreprises d’exploiter les potentialités du marché intérieur à la faveur notamment de l’ouverture des marchés publics nationaux, de la définition de normes communes et de l’élimination des obstacles juridiques et fiscaux à cette coopération. »

PS : Cet article, comme beaucoup d’autres,  n’a changé que de numéro dans le Traité de Lisbonne (art. 163) !

Je mets au défi quiconque de trouver un autre texte constitutionnel relevant d’un régime démocratique, dans lequel  la règle du droit est définie comme un obstacle qu’il faut éliminer. Et article ici, dont le respect est garanti par la Cour Européenne de… Justice !

Que se passe-t-il alors ? Comment, on ne voit pas ?
Pourtant Montesquieu, rappelons-le, nous avait déjà décrit cette situation hautement périlleuse :

«  Les politiques grecs qui vivaient dans le gouvernement populaire, ne reconnaissaient d’autre force qui pût le soutenir que celle de la vertu.
Ceux d’aujourd’hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesses, et de luxe même.
Lorsque la vertu cesse, l’ambition entre dans les cœurs qui peuvent la recevoir, et l’avarice entre dans tous. Les désirs changent d’objet : ce qu’on aimait, on ne l’aime plus ; on était libre avec les lois, on veut être libre contre elles ; chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître ; ce qui était maxime, on l’appelle rigueur ; ce qui était règle on l’appelle gêne ; ce qui était attention on l’appelle crainte. C’est la frugalité qui y est l’avarice, et non pas le désir d’avoir.
Autrefois le bien des particuliers faisait le trésor public ; mais pour lors le trésor public devient le patrimoine des particuliers.
La république est une dépouille ; et sa force n’est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous.  »

MONTESQUIEU- L’ESPRIT DES LOIS - Livre III, chap.3 – 1748

Mais dites donc voir, parler ainsi comme Montesquieu, n’est-ce pas à coût sûr aujourd’hui se mettre
dans la position où l’on va se faire taxer d’alter mondialiste, de parano ou d’extrémiste ?
Voilà bien la dernière prouesse de la culture captive mitonnée dans ces laboratoires d’idées dont nos démocraties
deviennent les animaux favoris d’expérimentation : Discréditer la matrice de raison et de valeurs qui est au fondement
même du droit des démocraties, pour  transformer son Esprit en une figure de l’extrémisme.
Voilà bien aussi une des missions de ce nouveau genre de régime politique que j’appelle Démocratie corruptive, où la Loi (condition de la liberté de tous dans l’intérêt général ) est progressivement remplacée et émiettée par des traités, des résolutions, directives et normes. La Norme qui est au fond leur principe et dont l’Esprit est celui de l’axiome d’un marché sans entraves aucunes, marché omniscient qui de sa « main invisible » et de toutes ses « petites mains discrêtes et furtives » - elles seules éclairées – régulerait de façon optimale les affaires économiques et politiques du monde. 

Que l’on me permette de le dire encore une fois : l’Union Européenne que nous voulons, établie sur une économie sociale avec marché et sur les principes constitutionnels de la philosophie des Lumières, de façon à ce que les principes de séparation des pouvoirs et de transparence de prise de décision soient respectés , et non pas celui d’une coopération de réseaux d’influence libre et non faussée.  Cette Europe donc, a deux catégories d’ennemis : les europhobes (qui ne veulent tout simplement pas de l’Europe) et les europhiles enivrés par  leur  esprit des « lois » du marché hypostasiées ,  « lois » auxquelles toutes les autres doivent se plier ou disparaître, si ce n’est celles destinées à contenir et à gérer les dégâts à la marge.
Europhobie et Europhilie sont deux catégories du Néant.
Si l’on voit arriver de loin la première, la seconde est beaucoup plus redoutable car procédant selon la logique TINA (there is no alternative), elle est l’effondrement de tout esprit critique sans lequel toute référence aux Lumières devient une trahison de ce qui nous est le plus essentiel et sans lequel la démocratie est vidée de toute substance.

 

« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal mais par
ceux qui les regardent et qui refusent d’intervenir »
Albert Einstein

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